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Rencontre Salésienne du 17 avril 2023

PETITES PARABOLES SALESIENNES POUR UNE AUTHENTIQUE VIE SPIRITUELLE

11 – Quand les oiseaux nous enseignent la vertu

Après la belle récollection en mars, avec le Père Richard, nous revenons auprès de saint François de Sales pour recevoir de lui d’autres bons conseils pour notre vie spirituelle et chrétienne. Nous connaissons le don d’observation de notre saint et l’intérêt qu’il porte aux plus petites choses. Il a aussi le don de s’en servir pour en faire un enseignement spirituel, nous l’avons déjà vu.
Alors, en ce début de printemps où nous-mêmes pouvons observer les oiseaux familiers de nos jardins, ou entendre la belle louange qu’ils rendent au Créateur dès le matin, nous voulons laisser saint François de Sales nous faire part de ce qu’il a pu lire, ou, surtout, observer à ce sujet dans son beau pays savoyard.

Quand les oiseaux nous donnent l’exemple de la charité

            Dans les premiers jours de carême 1615, l’évêque se trouve au château de Sales, dans sa famille, et voici ce qu’il écrit à la Mère de Chantal alors à Lyon : « … Il avait fort neigé, et la cour était couverte d’un grand pied de neige. Jean (serviteur de la maison de Sales) vint au milieu et ‘balaya’ certaine petite place parmi la neige, et jeta là de l graine à manger pour les pigeons, qui vinrent tous ensemble en ce réfectoire-là, prendre leur réfection avec une paix et respect admirable ; et je m’amusai à les regarder. Vous ne sauriez croire la grande édification que ces petits animaux me donnèrent, car ils ne dirent jamais un seul petit mot, et ceux qui eurent plus tôt fait leur réfection, s’envolèrent là, auprès, pour attendre les autres. Et quand ils eurent vidé la moitié de la place, une quantité d’oisillons qui les regardaient vinrent là, autour d’eux ; et tous les pigeons qui mangeaient encore se retirèrent en un coin, pour laisser la plus grande part de la place aux petits oiseaux, qui vinrent aussi se mettre à table et manger, sans que jamais les pigeons les troublèrent.

            De la contemplation de ce « tableau », François de Sales tire cette leçon : « J’admirai cette charité ; car les pauvres pigeons avaient si grand peur de fâcher ces petits oiseaux auxquels ils donnaient l’aumône, qu’ils se tenaient tous ramassés en un bout de la table. J’admirais la discrétion de ces mendiants, qui ne vinrent à l’aumône que quand ils virent que les pigeons étaient sur la fin du repas et qu’il y avait encore des restes à suffisance. En somme, je ne sus m’empêcher de venir aux larmes, de voir la charitable simplicité des colombes, et la confiance des petits oiseaux en leur charité. Je ne sais si un prédicateur m’eut touché si vivement. Cette image de vertu me fit grand bien tout le jour. »  (EA XVI, 314-315 – 5 mars 1615)

            A travers ces paroles, nous sentons combien notre saint ne s’arrête pas uniquement à la scène qu’il observe, mais que son regard intérieur se tourne aussitôt vers Dieu ; il sait en tirer un enseignement sur la charité et la confiance qu’il communique à la Mère de Chantal et dont nous bénéficions nous-mêmes aujourd’hui.

Quand les oiseaux nous aident à nous tourner vers Dieu

Dans une autre lettre, écrite dix ans auparavent, alors que Jeanne de Chantal est jeune veuve, s’occupant de ses enfants ainsi que du domaine de son beau-père – ce qui n’était pas toujours très simple – François de Sales l’encourage avec cette petite ‘parabole’ : « Je considérais l’autre jour ce que quelques auteurs disent des alcions, petits oiselets qui pondent sur la rade de la mer : c’est qu’ils font des nids tout ronds, et si bien pressés que l’eau de la mer ne peut  nullement les pénétrer ; et, seulement au-dessus, il y a un petit trou par lequel ils peuvent respirer et aspirer. Là-dedans, ils logent leurs petits afin que, la mer les surprenant, ils puissent nager en assurance et flotter sur les vagues, sans se remplir ni submerger ; et l’air qui se prend par le petit trou, sert de contrepoids, et balance tellement ces petits pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent.

O ma Fille, que je souhaite que nos cœurs soient comme cela, bien pressés, bien calfeutrés de toutes part, afin que si les tourmentes et tempêtes du monde les saisissent, elles ne les pénètrent pourtant point, et qu’il n’y ait aucune ouverture que du côté du Ciel, pour aspirer et respirer à notre Sauveur. Et ce nid, pour qui serait-il fait, ma chère Fille ? Pour les petits poussins de celui qui l’a fait : pour l’amour de Dieu, pour les affections divines et célestes.

            « Mais pendant que les alcions bâtissent leurs nids et que leurs petits sont encore tendres, pour supporter l’effort des secousses des vagues, hélas, Dieu en a le soin et leur est ‘secourable’, empêchant la mer de les enlever et saisir. O Dieu (…) cette souveraine Bonté assurera le nid de nos cœurs pour son saint amour contre tous les assauts du monde, ou il nous garantira d’être assaillis. Ah ! que j’aime ces oiseaux qui sont environnés d’eau et ne vivent que de l’air, qui se cachent en mer et ne voient que le ciel ! Ils nagent comme poissons et chantent comme oiseaux ; et, ce qui plus me plaît, c’est que l’ancre est jetée du côté d’en haut et non du côté d’en bas, pour les affermir contre les vagues. … le doux Jésus nous veuille rendre tels, qu’environnés du monde et de la chair nous vivions de l’esprit ; que, parmi les vanités de la terre, nous visions toujours au Ciel ; que, vivant avec les hommes, nous le louions avec les Anges, et que l’affermissement de nos espérances soit toujours en haut et au Paradis.

qu’en tout et partout le saint amour divin soit notre grand amour. »  (EA XIII, 127-128 – 5 décembre 1605)

            Tout sert à saint François de Sales pour tourner notre cœur vers ce Dieu qu’il aime et qu’il voudrait faire aimer à tout homme. Saurons-nous aussi faire de telles applications dans notre vie quotidienne ?

Ne pas vouloir voler sans ailes

Parfois, le prudent guide doit pourtant modérer l’ardeur de ses dirigés. Voici quelques mots d’une lettre, adressée, elle aussi, à la Baronne de Chantal : « … ma chère Fille, puisque vous n’avez pas encore vos ailes pour voler et que votre propre impuissance met une barrière à vos efforts, ne vous débattez point, ne vous empressez point pour voler ; ayez patience que vous ayez des ailes pour voler comme les colombes. Je crains infiniment que vous n’ayez un petit trop d’ardeur à la proie, que vous ne vous empressiez et multipliiez les désirs un petit trop dru. (…) Vous avez tout ce qu’il faut, mais vous n’en avez nul sentiment ; il n’y a pas grande perte en cela. Savez-vous ce qu’il faut faire ? Il faut prendre en gré de ne point voler, puisque nous n’avons pas encore nos ailes. » (EA XII, 384-385 –  21 novembre 1604) Eh oui, il ne faut pas vouloir brûler les étapes, pas même dans la vie spirituelle !

François de Sales y reviendra lorsqu’il parlera sur ce sujet à Philothée (l’âme chrétienne en quête de la perfection, donc, chacun de nous) : « Dans cette entreprise (de la sainteté), ô Philothée, il faut donc se montrer à la fois courageuse et patiente. Hélas ! quelle pitié, n’est-ce pas, de voir des âmes qui sont déjà bien introduites dans la vie spirituelle mais qui, se voyant encore imparfaites sur tel ou tel point, s’en inquiètent, se troublent, se découragent, et sont tentées de tout abandonner et de retourner en arrière. Mais, inversement, ne courent-elles pas un grand danger celles qui se figurent avoir été purifiées de toutes leurs imperfections en un seul jour, qui se tiennent pour parfaites presque avant que d’avoir été faites, et qui veulent voler alors qu’elles n’ont point d’ailes ? (…)

La purification de notre âme ne s’achèvera qu’avec notre vie.  (…) Pour notre humilité, il est bon que nous soyons parfois blessés dans  le combat spirituel…

N’est-il pas heureux qu’en ce genre de guerre nous soyons toujours vainqueurs pour peu que nous consentions à combattre ? »  (VD 1ère partie, chap. 5)

Quand l’exemple des oiseaux soutient notre constance

Consentir à toujours combattre, c’est-à-dire, à toujours reprendre nos bonnes résolutions, voilà l’encouragement constant de saint François de Sales.

« …De par sa fragilité et sa tendance innée à descendre plutôt qu’à monter, notre nature humaine est sujette à l’inconstance. Tenir ses résolutions, rester ferme dans ses propos, exige d’elle une grande force d’âme. Elle ressemble à ces oiseaux qui ne se maintiennent dans les airs qu’à coups d’ailes et d’élancements incessamment renouvelés, sous peine de tomber à terre. C’est pour cela, chère Philothée, que vous avez besoin de reprendre souvent votre décision de servir Dieu. » (VD 5ème partie, chap. 1)

            Gardons donc courage ; sur le chemin de la sainteté, nous ne sommes pas seuls. Jésus nous accompagne comme il a accompagné les deux disciples cheminant vers Emmaüs !

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