Rencontre salésienne du 15 janvier 2024

QUAND SAINT FRANCOIS DE SALES NOUS PARLE DE LA CONFESSION

Ce présent résumé réunit en réalité deux rencontres : celle du 11 décembre dernier et celle de ce 15 janvier.

La confession nous libère

Si la confession nous « purifie et guérit », comme nous l’avons vu, elle a aussi le pouvoir de nous « libérer ». Là encore, saint François de Sales recourt à une image pour mieux nous le faire comprendre. Il rappelle que Jésus envoie ses disciples (quelques jours avant sa Passion) « délier l’ânesse et l’ânon ». « Qu’est-ce que délier l’ânesse et l’ânon » demande François de Sales lors d’une homélie ?
« C’est délier l’âme et l’amour qui est son ânon. Qu’est-ce que délier l’âme ? C’est la délier et détacher du péché par le moyen d’une bonne confession; car chacun sait que l’âme qui est en état de péché est attachée et engagée dans les liens et filets du diable. Nul ne peut comprendre le bonheur d’une âme qui est déliée et conduite à Notre Seigneur par le moyen de la grâce ; mais, ô Dieu, combien plus grand est le bonheur de celle de qui l’on délie encore l’amour ! Et pourquoi délier l’âme et l’amour ? Parce que le Seigneur en a besoin : de l’âme pour la sauver, et de l’amour pour lui être réservé. Dieu désire tellement cet amour qu’il le veut tout avoir… » – « Et que nul ne demande pourquoi Dieu veut tout l’amour, car on ne le saurait dire, sinon parce qu’il en a besoin pour faire des choses si excellentes et si grandes en l’âme qui le lui donne tout, que nul esprit humain ne les peut savoir ni comprendre. » ((EA IX, 35-36 / sermon pour le jour des Rameaux) – Oui, on peut dire avec assurance que Dieu veut « faire des choses excellentes et grandes en l’âme » de chacun de nous – si nous consentons à l’œuvre de l’Esprit-Saint en nous et la confession est justement un des moyens les plus efficaces pour faciliter ce travail de l’Esprit d’Amour en nous.

Le repentir – ou contrition

Quant au regret – ou la contrition – en en ce qui regarde nos fautes et péchés, voilà l’éclairage que nous apporte saint François de Sales : « Soyez toujours triste des péchés que vous confessez, si petits soient-ils,. Entretenez la résolution de vous en corriger. Beaucoup se confessent de leurs péchés véniels par habitude, pour se mettre en règle, sans du tout envisager de s’en corriger. Ils les garderont toute leur vie et se privent ainsi de grands biens spirituels. (…) Repentez-vous… mais prenez aussi la ferme résolution de ne plus recommencer. N’est-ce pas abuser de la miséricorde que de s’accuser de ses péchés, qu’ils soient véniels ou mortels, sans vouloir s’en libérer, puisque la confession a été instituée pour cela ? » (EA, III, 112-113)

Et voici encore ce beau passage du Traité de l’Amour de Dieu au sujet de la contrition : « Des fautes que nous avons commises, nous devons nous attrister, nous repentir, d’un repentir fort, constant, franc. Cependant, il doit être paisible, sans inquiétude ni découragement. Reconnaissez-vous que votre lenteur dans le progrès de la vertu est de votre faute ? Alors humiliez-vous devant Dieu, implorez sa miséricorde, appelez-en à sa bonté, demandez-lui pardon, confessez votre faute, et criez-lui « miséricorde » à l’oreille de votre confesseur pour qu’il vous donne l’absolution. Après tout cela, reconnaissez simplement la misère qui est en vous, et qui vous freine sur le chemin du bien. Vous avez détesté votre péché ; maintenant, demeurez en paix.» (TAD IX, 7)

Parmi d’autres paroles encourageantes de notre saint, en voici encore celle-ci : « La prière de repentir élève l’âme vers Dieu et l’immerge dans sa bonté. Elle obtient le pardon, en vertu de l’amour qui la fait s’élancer vers Dieu. Tous nous devons pratiquer ces oraisons jaculatoires. Elles expriment notre repentir, notre amour, notre désir d’être réconciliés avec Dieu. Par elles, « prononçant devant le Sauveur notre tribulation » (Ps 142, 3) nous épanchons notre âme dans le cœur de Dieu, et lui la prendra en pitié. » (EA IV, 158 – D-M Proton, p. 208)) (de l’examen de conscience journalier). Remarquons cette parole : qu’une vraie prière de repentir immerge notre âme dans la bonté de Dieu. Il y a de quoi s’y arrêter pour la méditer longuement.

Une ferme résolution de s’amender

Et bien sûr, une bonne confession ne peut être séparée d’une bonne résolution de se corriger de ses fautes avec l’aide de la grâce. Et pour cela, saint François de Sales nous encourage à entretenir en nous une « dévotion (= une vie spirituelle) intime, forte et généreuse. » « Forte à supporter les tentations… forte à supporter ses propres imperfections…. forte à combattre ses imperfections, et enfin, « généreuse, pour ne point s’étonner des difficultés, mais au contraire agrandir le courage par elles. » « Généreuse, oui, pour prétendre au plus haut point de la perfection chrétienne, malgré toutes imperfections et faiblesses, et s’appuyant, par une parfaite confiance, sur la miséricorde divine. » (EA VI, 13-14). Chaque âme, selon François de Sales, est invitée à une grande sainteté, malgré ses faiblesses, mais aidée par la grâce. Voilà pourquoi, tout au long de notre vie, nous devons travailler à notre conversion.

Conversion

« La conversion ne consiste pas uniquement à s’attacher au bien, mais aussi à se détacher du mal. Et c’est souvent très long et difficile, » dit le Père Guillaume de Menthière. (La nécessaire conversion – Jamais trop tôt, jamais trop tard, p.55) François de Sales nous encourage, de son côté, à nous munir de patience. Ainsi écrit-il à Mme Brûlart, âme ardente qui aspire à la sainteté : « Pendant que nous sommes ici-bas, il faut que nous nous portions toujours nous-mêmes jusqu’à ce que Dieu nous porte au Ciel, et pendant que nous nous porterons, nous ne porterons rien qui vaille. Il faut donc avoir patience, et ne penser pas de nous pouvoir guérir en un jour de tant de mauvaises habitudes que nous avons contractées par le peu de soin que nous avons eu de notre santé spirituelle.
(…) Il faut que, petit à petit et pied à pied, nous nous acquérions cette domination pour la conquête de laquelle les saints et les saintes ont employé plusieurs dizaines d’années. Il faut, s’il vous plaît, avoir patience avec tout le monde, mais premièrement avec vous-même ». (EA XIII)

Et François de Sales se réjouit de l’œuvre que l’Esprit-Saint peut accomplir dans une âme qui coopère à son action : « O Jésus, s’écrie-t-il, que c’est un plaisir délicieux de voir l’amour céleste, qui est le soleil des vertus, quand petit à petit, par des progrès qui insensiblement se rendent sensibles, il va déployant sa clarté sur une âme, et ne cesse point qu’il ne l’ait toute couverte de la splendeur de sa présence, lui donnant enfin la parfaite beauté de son jour ! » (EA IV, 130) Voilà à quelle ‘beauté intérieure’ chacun de nous est appelé ! Rendons grâce à Dieu pour l’immense bonté qu’Il ne cesse de nous témoigner !

Dans le livre cité plus haut, du Père de Menthière, nous lisons cette parole forte : « Se convertir : c’est se laisser aimer. » (idem. p. 87) Quant à François de Sales, il nous le dit aussi, avec d’autres mots : … (il faut) « vider notre cœur de toutes choses, afin que Notre-Seigneur le remplisse tout de lui-même. » (EA VI, 340)

Bienfaits de la confession

Dans l’Ecriture, une parole de saint Pierre peut nous aider à prendre conscience davantage des grâces que nous recevons à chaque confession : « Lui-même, écrit-il en parlant de Jésus, a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris. » (1P 2, 24) C’est par la Passion de Jésus, sa mort et sa résurrection, son sang répandu pour nous, que nous sommes guéris, car c’est là qu’Il nous a témoigné ‘l’excès’ de son amour pour nous. Laissons parler encore saint François de Sales : « …bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur qui se répand sur les pénitents, c’est néanmoins le mérite de ce sang répandu qui purifie les pécheurs. Ouvrez grand votre cœur pour en extraire les péchés. A mesure qu’ils en sortiront, les précieux mérites de la Passion y entreront et le rempliront de bénédictions. (EA III, 58) Et dans un sermon : « Le Christ blesse les cœurs par sa parole afin de les ramener à lui et de les guérir.(…) Il blesse par la contrition, il guérit par l’absolution ; il ouvre la blessure de la douleur, il la cicatrise par le baume de l’amour. » (EA VIII, 56-57)

Confiance en la miséricorde de Dieu

François de Sales, en confesseur expérimenté, trouve les mots pour nous encourager à avoir une grande confiance en la miséricorde de Dieu ; voici l’extrait d’un sermon, bien éclairant : (Notre Mère, l’Eglise) « ne veut pas que nous nous étonnions et mettions en peine de ce que nous avons été, des grands péchés que nous avons commis autrefois, ni de nos misères présentes ; oh non, pourvu que nous ayons maintenant une résolution ferme et inviolables d’être tout à Dieu et d’embrasser à bon escient la perfection et tous les moyens qui nous peuvent faire avancer en l’amour sacré, faisant que cette résolution soit efficace et produise des œuvres. Non certes, nos misères et nos faiblesses, pour grandes qu’elles soient et ayant été, ne nous doivent pas décourager, mais nous doivent faire abaisser et nous jeter entre les bras de la miséricorde divine, laquelle sera d’autant plus glorifiée en nous que nos misères seront plus grandes, si nous venons à nous en relever ; ce que nous devons espérer de faire moyennant sa sainte grâce ». (EA IX, 74)

Quelques centaines d’années plus tard, Jésus vient lui-même exprimer la grande confiance en sa miséricorde qu’Il attend de nous. Ainsi dit-il à Sœur Faustine, l’apôtre de la Miséricorde divine : « Chaque fois que tu te confesses, plonge-toi entièrement dans ma Miséricorde avec une grande confiance, pour que je puisse déverser en ton âme tous les trésors de ma grâce. Quand tu vas te confesser, sache que c’est moi même qui t’attends. (…) Dis aux âmes qu’elles ne puiseront à cette source de miséricorde, qu’avec le vase de la confiance. Lorsque leur confiance sera grande, il n’y aura pas de bornes à mes largesses. Les torrents de ma grâce inondent les âmes humbles… (Petit Journal de Sr Faustine, § 1601)
Pour fortifier notre confiance, nous pouvons aussi penser à cette parole de saint François de Sales à sainte Jeanne de Chantal : « … et encore que vous (…) sentiez votre misère, ne vous troublez point, ains (mais) soyez en joyeuse, pensant que vous êtes une vraiment bonne besogne pour la miséricorde de Dieu. » (EA 14, 103 – Fragment de lettre à Mme de Chantal)

Fruits de la confession

« Vous voudrez peut-être savoir, dit François de Sales à ses Visitandines, comment vous connaîtrez si vous profitez par le moyen de la réception des Sacrements. Vous le connaîtrez si vous vous avancez aux vertus qui leur sont propres : comme si vous tirez de la Confession l’amour de votre abjection (petitesse devant Dieu) et l’humilité, car ce sont les vertus qui lui sont propres ; et c’est toujours par le mesure de l’humilité que l’on reconnaît notre avancement… » (EA VI, 343)

Et dans une lettre à une religieuse, relevons ce beau passage : « Il est vrai, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu’elles sont dans nos âmes, sont des épines ; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums, d’autant que, comme notre malice les tire dans nos cœurs, aussi c’est la bonté du Saint-Esprit qui les pousse dehors. » (EA XII, 104)

Beaucoup de grâces nous sont accordées lorsque, avec regret et sincérité, avec la ferme résolution de nous corriger de nos fautes, nous allons nous confesser. Voici ce qu’en dit notre saint : « Par la confession, vous ne recevez pas seulement l’absolution des péchés véniels, mais aussi une grande force pour les éviter, une grande lumière pour les discerner, et une grâce abondante pour réparer les torts qu’ils vous ont causés. »

« Ainsi, vous exercerez l’humilité, l’obéissance, la transparence et la charité. En vous confessant vous pratiquerez plus de vertu qu’en nulle autre action que vous pourriez faire ». (EA III, 112) Nous aurions tort de nous priver nous-mêmes de tant de grâces, en négligeant ce sacrement, n’est-ce pas !
Jésus parlait, dans le même sens, à sainte Faustine : « Je désire me communiquer aux âmes et les emplir de mon amour. Mais il y a peu d’âmes disposées à recevoir toutes les grâces que mon amour leur destine… » (Petit Journal de Sr Faustin ; § 1016) Soyons donc de celles à qui Il peut donner l’abondance de ses grâces !

Regard surnaturel sur le confesseur

Enfin, saint François de Sales nous encourage à toujours ‘considérer’ le confesseur « comme le messager de Dieu. Ne le regardez pas simplement comme un homme. Non que vous dussiez mettre votre confiance en lui ou en ses connaissances humaines. Ne vous confiez qu’en Dieu, et Dieu vous aidera et vous parlera par l’entremise de cet homme. Il mettra dans son cœur et sur ses lèvres tout ce qui sera nécessaire à votre bonheur. Si bien que vous devrez l’écouter comme un ange, venu exprès du ciel pour vous y conduire. » (EA III, 24)

Il précise cependant que le confesseur doit « être rempli à la fois de charité, de science et de prudence. Si l’une de ces trois qualités manque : il y a du danger. » (EA III, 25)

Quel que soit le confesseur, dit encore François de Sales, nous devons l’estimer et il ajoute : « faites grand état de tout ce qui vous sera dit en confession ; car vous ne sauriez croire le grand profit qu’il y a en ce Sacrement pour les âmes qui y viennent avec l’humilité requise. » (EA VI, 276)

Son estime pour les prêtres est si grand qu’il dit à ses Visitandines lors d’un Entretien : « Je voudrais qu’on porte un grand honneur aux confesseurs ; car, outre que nous sommes fort obligés d’honorer le sacerdoce, nous les devons regarder comme des Anges que Dieu nous envoie pour nous réconcilier avec sa divine bonté. » (EA VI, 274)

A travers ces citations nous constatons le grand respect que demande François de Sales à l’égard des prêtres. Ils sont pour nous les « messagers de Dieu » et les paroles qu’ils nous adressent lors de la confession peuvent être pour nous – si nous le voulons bien – d’un « grand profit ». Parfois il arrive que nous ne pouvons pas nous adresser au prêtre de notre choix, pour recevoir le sacrement du pardon. Mais si notre esprit est attentif, le Seigneur permettra sans aucun doute, qu’une des paroles que nous adresse le prêtre auquel nous nous confessons, soit une véritable lumière sur notre chemin jusqu’à la prochaine confession. La délicatesse de Dieu n’a pas de bornes si nous mettons toute notre confiance en Lui.
Mère Marie de Sales Chappuis, longtemps supérieure au Monastère de la Visitation de Troyes au temps du Père Brisson et de Léonie Aviat, exprimait cette conviction par ces mots : « Si vous saviez combien le Seigneur est gagné de voir que l’on se fie à Lui ! Je trouve que c’est la chose qui Lui parle le plus fortement, cette assurance en Lui » !